Le groupe poursuit pour diffamation « Water Makes Money », docu dénonçant les méthodes des multinationales de l’eau.

Le choix de Veolia de porter plainte contre X sans dire clairement les passages qui les gênent dans le film est une procédure un peu « hypocrite », pour William Bourdon, l’avocat des auteurs du film :

« On se victimise, on n’agit pas de façon frontale, c’est une stratégie. ça relève plus de la communication que de la véritable action judiciaire. »

La branche eau de Veolia Environnement, numero 1 mondial du secteur, s’estime diffamée mais n’a pas voulu répondre aux auteurs du film, qui ont sollicité des interviews. Bizarrement, elle ne cherche pas pour l’instant à empêcher la diffusion sur Arte de « Water Makes Money », prévue le 22 mars. (Voir la bande-annonce)


Water makes Money par mansan

La production de ce film est très originale :

  • des réalisateurs allemands pour un récit essentiellement centré sur la France
  • un financement à moitié participatif : 120 000 euros ont été réunis grâce à une souscription lancée sur Internet
  • une projection d’abord dans les cinémas alternatifs (1800 copies déjà distribuées) et par DVD, puis une diffusion à la télé, sur Arte en français et allemand

Pourquoi cela ? « Parce qu’un tel film n’aurait pas pu se faire en France. Au moins cinq télés ont commencé des enquêtes sur ce sujet avant de renoncer à le diffuser, sur pression de la direction des chaînes », estime Jean-Luc Touly.

Touly, de Veolia à Europe Ecologie en passant par la CGT

Embauché tout petit à la Générale des Eaux (devenue Vivendi, puis Veolia), encarté puis dégagé de la CGT, licencié puis réintégré par son employeur, engagé dans l’associatif (il a fondé l’Association pour un contrat mondial de l’eau, ACME) et en politique (il est conseiller régional Europe Ecologie), et auteur de plusieurs livres, cet homme a guidé les réalisateurs de ce plaidoyer pour une gestion municipale de l’eau.

Jean-Luc Touly n’en est pas à son premier procès en diffamation. Cette fois il est « serein » :

« Bien sûr que c’est un film à charge, mais on ne met pas en cause Veolia en particulier. Contrairement à Suez qui s’exprime par la voix de sa responsable du développement durable, Veolia a refusé de répondre aux interviews. »

Les réalisateurs allemands n’en sont pas non plus à leur premières pressions. Herdolor Lorenz s’intéresse à la privatisation des services publics depuis un film sur les chemins de fer allemands et surtout depuis « Eau, service public à vendre » (2005).

« La censure va nous donner une plus grande audience »

Ce dernier documentaire était déjà consacré à la privatisation du service public de l’eau en France, Allemagne, Angleterre, et déjà en partie censuré par Veolia (qui a obtenu une seule diffusion à la télé). Herdolor Lorenz n’en a été que plus motivé pour revenir sur le sujet :

« Comme pour notre précédent film, la censure va sans doute nous donner une encore plus grande audience. Nous avons déjà des versions en anglais, en italien… et nous nous battrons pour qu’Arte maintienne sa programmation. »

Dans « Water Makes Money », il explique comment les multinationales gestionnaires de ces services
publics ont partout monté les prix et diminué l’entretien des réseaux
pour accroitre leurs profits. Il revient sur les trafics d’influence qui ont permis depuis longtemps de décrocher des marchés publics.

Aujourd’hui, la tendance est à un retour en régies municipales, comme à Paris, et les multinationales paniquent...

Cette poursuite fait suite à celle engagée par Suez contre « Flow, For Love of Water », documentaire canadien sur les déboires de la privatisation de l’eau en Amérique latine, diffusé par Arte en 2008. Débouté par le tribunal de grande instance de Paris, la compagnie vient de déposer un recours. Jean-Luc Touly remarque :

« Suez et Veolia sont toutes deux concernées par les deux films mais elles semblent s’être partagé les rôles pour les poursuites en diffamation, selon une entente qui rappelle la même manière dont elles se partagent les marchés publics. »