La monnaie d’aujourd’hui, bien que passée dans le monde numérique, est encore inscrite dans les archaïsmes industriels de l’ère victorienne car issue en “masse”, et ce, de manière centralisée et privée.

Pour comprendre plus concrètement cette situation, il suffit de voir l’argent comme si c’était de l’eau (le terme liquidité n’est d’ailleurs pas utilisé par hasard). La valeur de l’eau tient autant dans sa présence que dans sa circulation. Si elle est trop rare ou si elle ne circule pas (ce qui revient au même), il y a désertification ; si elle est trop abondante, il y a noyade. L’eau doit donc exister en quantité suffisante (ni trop, ni trop peu) et de manière correctement distribuée pour que soit maximisé le potentiel de vie de l’écosystème, autrement dit sa profusion et sa capacité créatrice.

Dans la société humaine, l’argent-liquidité ne pleut pas (ça se saurait depuis longtemps), mais tout comme l’eau dans un écosystème, il faut que la monnaie circule – sans quoi elle n’a aucune valeur – et que sa masse soit adaptée aux besoins. Trop de monnaie ‘noie’ l’économie car elle ne correspond plus aux besoins réels d’échange, pas assez de monnaie ‘dessèche’ l’économie car elle limite les échanges et engage des compétitions féroces pour se l’approprier.

Ce qui détermine la masse monétaire optimale devant circuler dans un collectif (nation, région, ville, entreprise, ONG, réseau thématique donné…) relève en quelque sorte d’une ‘science de l’irrigation’. Cette responsabilité – et ce pouvoir – sont aujourd’hui concentrés dans les mains de puissantes institutions à intelligence pyramidale : les banques(1).

A l’aube de la civilisation du savoir, de l’explosion des échanges (connaissances, marchandises, services), de la globalisation, les conséquences de ce système centralisé et privé sont autant multiples que dramatiques :

• Le processus est massique et centralisé, la masse nécessaire de monnaie et sa répartition ne sont donc que très grossièrement optimisés.

• La fameuse ‘main invisible’ ainsi que les intérêts privés des acteurs financiers font que la monnaie déserte des zones entières du globe (pays, régions, catégories de populations, secteurs d’activité), alors que cet outil transactionnel est indispensable à l’écologie sociale. Résultat dans ces zones : l’offre et la demande demeurent face-à-face sans pouvoir se réaliser, il y a paupérisation même en contexte d’abondance des ressources (main d’oeuvre, ressources naturelles et manufacturées, savoir-faire, etc).

• La rareté (artificiellement entretenu et celle créée par les lois parétiennes) accentue plus encore le principe de désertification, augmentant d’autant la dépendance critique. Les banques, filles et gardiennes de la société de l’intelligence pyramidale, ont tout intérêt à ce que cette situation perdure ;

L’Intelligence Collective ne pourra exister tant que ses participants seront obligés d’être en compétition les uns avec les autres pour la conquête de la ressource rare qu’est l’argent. Elle a besoin de monnaies libres, ouvertes, collectives, démocratiques, décentralisées, suffisantes et partout distribuées, dont le volume et la distribution s’autorégulent en temps réel suivant les besoins de l’offre et de la demande. Ces monnaies, en gestation dans les creusets du logiciel libre, ne vont pas tarder à se déployer dans le cyberespace ainsi que dans les intranets et extranets d’entreprises. La transition risque d’être aussi inattendue que brutale, et porter un coup sérieux aux monnaies dites nationales.

Post Scriptum :
Notes : (1) Dans nos pays, la masse monétaire est à 85% privée car créée par banques sous forme de crédit payant. Seuls 15% de la masse, issue par l’Etat, circule sous forme gratuite.