Une des causes qui voit le nombre des sous-alimentés approcher du nombre de 1 milliard d’habitants de la planète est toujours l’une des principales de cet état de fait; et si l’on n’y prend pas garde elle risque d’accentuer la catastrophe humanitaire qui devient de plus en plus préoccupante…

Depuis quelques temps déjà, nous fûmes un certain nombre à prévoir les dangers de la généralisation des agro-carburants. L’un des rapports de la FAO, du moins la conférence de presse de Jacques Diouf du 17 décembre 2007 à Rome où celui-ci s’inquiétait de la flambée des prix de certaines denrées alimentaires avait confirme les pronostiques les plus pessimistes sur la catastrophe humanitaire qui était pressentie.

Les chiffres sont éloquents, selon la FAO en 2007 l’indice des prix des produits alimentaires a augmenté pour atteindre le pourcentage vertigineux de 40%. Dont particulièrement ceux des céréales et des produits laitiers qui gaillardement avoisinent les 50%. Sans parler de certains oléagineux et huiles qui battent les records puisque la triste réalité nous emmène autour des 70%.

Les statistiques sont là, inéluctables. D’ailleurs, le Directeur de la FAO, un peu gêné, sans doute aussi pour arrondir les angles, avait donc mis en avant le fait que des dérèglements climatiques importants avaient réduit la production de plusieurs pays. Il n’avait, en l’occurrence, fait aucune réflexion sur les disfonctionnements météorologiques dus à l’hyper productivité humaine, pourtant…

Bref, le plat de résistance, si l’on peut se permettre ce genre d’allusion, est la très forte augmentation de la demande en agro-carburants. Pour lesquels, Diouf citait en exemple la production de maïs étasunien qui avait doublé depuis 2003 afin de servir comme combustible. L’UE n’étant pas en reste puisqu’il est prévu de multiplier par douze d’ici 2016 la quantité de blé nécessaire à la fabrication de carburant. Pour la petite histoire, lorsque George Bissel foulait les champs de blé entourant Oil Creek en Pennsylvanie, lui qui fut le promoteur de l’Or noir, il ne savait pas que cent cinquante ans plus tard, au début du XXIème siècle, le blé qui avait laissé place à des derricks à son époque serait maintenant le but de la ruée vers l’Or Vert. Etrange monde dans lequel nous vivons !

On pourrait relater des chiffres plus précis en tonnages et valeurs monétaires, au demeurant ces quelques statistiques suffisent pour entrevoir l’ampleur des catastrophes qui jours après jours vont en s’amplifiant. Comme la productivité agricole va devoir être multipliée de façon exponentielle, les premiers risques qui nous viennent à l’esprit sont les dégâts écologiques découlant de cette suractivité. Déjà, l’Europe a supprimé les jachères, néanmoins écologiquement utiles. La déforestation a commencé et se poursuit dans plusieurs pays asiatiques et va réduire d’ici peu l’Amazonie de façon irrémédiable pour l’équilibre de la planète car elle en est le principal poumon, etc. Puis, de toute évidence, pour produire plus il va falloir utiliser des moyens non naturels, donc engrais en surdose, traitements divers et surtout généralisation des OGM, qui semble la panacée des grands pollueurs. On comprend d’ailleurs les réticences de nos dirigeants ultralibéraux à statufier définitivement sur ce problème, dont ils vont laisser la décision finale aux instances européennes, dont d’ailleurs la commission a autorisé en catimini, au mois d’aout, la mise sur le marché d’un colza génétiquement modifié de chez Bayer. Ce qui va relancer la polémique et n’aura permis qu’un court répit à ceux qui pensent que l’interdiction des OGM est en bonne voie.

Sans minimiser les conséquences écologiques déjà constatables, un autre dérèglement planétaire avance à grand pas et disons le franchement vu les derniers chiffres inquiétants, va en s’augmentant au gré des jours. Il s’agit de la catastrophe humanitaire due à l’augmentation inconsidérée des produits agricoles. Augmentations qui sont la conséquence du marché faramineux qui s’ouvre à l’agro-industrie en raison de la raréfaction du pétrole. Parallèlement, augmentations d’ailleurs aussi voulues des produits pétroliers pour permettre aux éthanols plus chers en coût de fabrication de pouvoir s’aligner sur celui de la pétrochimie. De plus, en conservant des marges importantes cela permet aux transformateurs du pétrole d’engranger des réserves monétaires pour construire des usines destinées à la fabrication des éthanols, un nouveau monopole se met donc en place ! D’ailleurs, les naïfs qui vitupèrent sur les prix exagérés des carburants issus du pétrole risquent d’être déçus en attendant impatiemment des agro-carburants moins chers ; pas « bio » pour autant dans leur conception, mais qualifiés de façon usurpée et commerciale de Biocarburant ou Biodiésel. D’ailleurs, s’ils s’étaient renseignés ils sauraient que la part de plus en plus importante des éthanols dans leur carburant habituel est l’une des causes de son augmentation.

Cependant, des âmes bien-pensantes, des technocrates crédules considèrent que ces augmentations sont bénéfiques dans la mesure où environ 40% de la population mondiale vit de l’agriculture. Raisonnements tout à fait abscons. Certes quelques uns vont profiter de cette embellie, mais ce sont toujours les mêmes. A savoir les agriculteurs agro-industriels des pays développés et ceux de certains pays en voie de développement (le Brésil en particulier), mais surtout aux multinationales des semenciers, des fabricants d’engrais et produits de traitement, tout ceci ne représentant qu’une infime partie du monde agricole.

En déplaçant le but premier de l’agriculture qui est celui de nous nourrir, cela nous laisse aussi entrevoir pour les pays défavorisés les désastres d’une disette généralisée et qui occasionneraient de surcroît une augmentation significative des flux migratoires. Dont on connaît les conséquences, des moyens de migration plus ou moins chaotiques, voire dans certains cas mortels, pour finalement se faire repousser du pays qui eut pu être adoptif sous de fallacieux prétextes de quotas. Pour le migrant, retour dans le pays d’origine menottes aux poignets, par la voie des airs, dans un avion qui d’ici quelques temps vrombira avec un agro-carburant très élaboré, issu de blé, de maïs ou autres produits agricoles, denrées qui avec une autre forme de répartition aurait permis à l’expulsé de vivre et rester sur la terre de ses ancêtres en ne crevant pas de faim.

Mais où cette aberration de l’agro-biseness est la plus paradoxale c’est qu’elle atteint aussi les pays développés car l’on y voit les prix des produits agricoles et ceux issus de leurs transformations prendre une envolée faramineuse. Chute du pouvoir d’achat que maints experts tentent de nous expliquer par des subterfuges et autres explications pas du tout crédibles. Non, l’explication n’est que dans le marché juteux qui s’ouvre à l’agro-industrie, dont les catégories les plus défavorisées vont une nouvelle fois payer les pots cassés. Le cercle infernal du productivisme capitalisme est bouclé ne profitant qu’à quelques uns. Le constat est simple, la poche de nouille à bas prix permettant au gens aux revenus modestes d’attendre la fin du mois en se sustentant aux moindres frais va devenir un produit de luxe !

Pourtant nous devrions être rassurés. Effectivement, il y a peu de temps, un prétendu philosophe, le chef d’état de la Franc a affirmé qu’il s’agissait d’une « politique de civilisation ». Comme personne n’a eu le courage de le pousser intellectuellement dans ses retranchements, il ne nous a pas précisé de quelle forme de civilisation il était question. A la limite, ce n’était pas très important, puisque l’on connaissait la réponse. L’idéologie que ce pseudo-penseur veut faire seule et incontournable est que nous devons nous plier et ne penser qu’en termes du principe capitaliste, le reste n’est donc que l’apanage de quelques agitateurs, probablement des laïques extrémistes et pratiquants…, qui n’auraient rien compris à sa pensée unique et qu’il veut universelle.

Laissons « Je vous dirais franchement » à ses certitudes,
pour l’instant, car une autre catégorie de non penseurs nous laissent perplexes. L’expression : « Le développement durable » qui fait flores chez les socialistes de tous poils, les sociaux démocrates de tous horizons inféodés de plus en plus aux théories ultralibérales, ses éco-tartuffes « grenélisant » à tout va, ne pose qu’une question essentielle : durable pour qui ? Il serait intéressant de savoir si lorsqu’ils seront sortis de l’enjeu envoutant du pouvoir, d’un électoralisme débridé, ils seront capables de s’interroger véritablement sur l’avenir de notre planète ! Malheureusement, j’ai bien peur que non.

Un seul slogan résumera la situation catastrophique qui nous guette : « Consommer plus et soi-disant Bio, pour EXCLURE PLUS ! »

C’est d’autant plus dommage qu’à la suite de la prise de conscience du réchauffement planétaire dut au productivisme inconscient cela aurait permis de réfléchir, de concevoir une société différente, plus proche, plus solidaire, mieux répartie, dont les leitmotive ne seraient plus ceux d’une course exagérée aux profits.

Espérons qu’il ne soit pas trop tard !
Michel Mengneau